a). Un syndrome plus qu'évocateur...

Parmi ces signes caractéristiques de l'épilepsie psychomotrice, GASTAUT identifiait des automatismes prédominant au cours des crises psychomotrices ou des états confusionnels post-critiques présentés par le peintre. Automatismes "réactionnels" à des hallucinations comme le coup de pied administré au gardien Poulet en juillet 1889, ou bien traduisant la " libération d'une agressivité latente sous l'effet de la dissolution critique de la conscience " et GASTAUT cite là l'exemple du verre d'absinthe jeté au visage de Gauguin le soir du 22 décembre 1888.

L'interprétation de ces automatismes est délicate selon lui et, sans rejeter pour autant celles proposées par d'autres auteurs, il ne s'y aventure pas sachant que cela ne rend pas pour autant discutable leur nature épileptique.

Dans les épisodes de somnambulisme relatés par Gauguin il reconnaît des "automatismes nocturnes" fréquemment observés chez les épileptiques psychomoteurs.

Même si cela ne fut observé qu'une seule fois, en juillet 89, la crispation de la main de Van Gogh par laquelle débuta cette crise lui évoque les spasmes toniques" très fréquents au début des crises temporales "

Les " états d'obnubilation intellectuelle profonde et durable ", ne peuvent tous être considérés comme des états confusionnels post-critiques, leur durée ne peut s'expliquer que par de " véritables états de mal d'absence temporale ".

H. GASTAUT retient dans le cadre des états confusionnels ce qu'il considère comme une "scribomanie" chez Van Gogh. Cette volonté d'écrire pendant ces épisodes confusionnels dont témoignent certaines lettres de Van Gogh seraient des impulsions pathologiques ? Nous ne le pensons pas. Il nous semble au contraire que le peintre avait eu une correspondance suffisamment soutenue et riche par ailleurs, bien avant les crises pour que l'on ne puisse voir dans ces efforts de Van Gogh autre chose qu'une tentative de conserver ce lien si cher avec Théo.

Un autre signe " très banal chez les épileptiques psychomoteurs " :

les hallucinations ecmnésiques, et H. GASTAUT rappelle qu'elles ont été étudiées par PENFIELD qui a pu les provoquer expérimentalement chez des patients par stimulation du lobe temporal au cours d'interventions neurochirurgicales. La lettre à Théo (572 F.) du 19 janvier 1889 en donne une magnifique illustration. Les terreurs et angoisses paroxystiques que redoutait tant Vincent sont selon lui des équivalents psychiques de l'épilepsie temporo-uncinée ou "équivalents mineurs" dont on sait qu'ils peuvent se manifester sous forme de pseudo-absences temporales ou d'absences temporales vraies avec amnésie post-critique et libération d'activités automatiques.

Nous y reviendrons au chapitre suivant; mais disons brièvement que H. GASTAUT a reconnu chez Van Gogh des troubles du caractère et du comportement qu'il identifie à des " manifestations du pôle adhésif et du pôle explosif de la personnalité " telles qu'on a pu les découvrir dans la définition de l'épileptoïdie de MINKOWSKA. Notons quand même qu'à la différence de la psychologue, lui, ne considérait ces troubles du caractère comme significatifs que dans le cadre de l'épilepsie temporale à manifestations psychomotrices et non dans le cas de l'épilepsie en général.

Enfin H. GASTAUT relève " l'insuffisance sexuelle progressive qui a caractérisé les dernières années de la vie de Vincent et qui est tout à fait semblable à celle [qu'il a] décrite avec COLLOMB (1955) chez les épileptiques psychomoteurs ". Il s'agit, selon lui, d'un " véritable affaiblissement pulsionnel ", d'une " carence globale de l'instinct sexuel ", dont il pense trouver la trace dans la correspondance du peintre en juin 1888, ou celui-ci écrit à son frère qu'il commence à ressembler au personnage d'un roman de Maupassant qui, à force de chasser, ne "bandait" plus. Et il précise :" Comme la plupart des psychomoteurs de notre consultation, Vincent essaye bientôt de l'expliquer [cette "déchéance physique"] de façon plus ou moins fantaisiste ", et note que l'évolution de ce trouble observée chez Van Gogh, c'est à dire son apparition l'année même de la première crise et son aggravation avec la répétition des crises, " est justement celle [... ] décrite chez les psychomoteurs ".

Sur ce dernier point nous émettons des réserves, dans la mesure où il nous paraît difficile de juger d'une telle question sur un laps de temps aussi court (environ 2 ans).

Van Gogh se plaignait dans ses correspondances d'épigastralgies qu'il attribuait à la consommation de mauvais vin, surtout durant son séjour à Paris. H. GASTAUT estime que " rien ne les différencie des auras épigastriques décrites par GOWERS chez les épileptiques et considérées par PENFIELD comme un signe essentiel de l'épilepsie psychomotrice ". L'idée est plaisante comme touche finale d'un tableau parfait. Mais les épigastralgies sont anciennes et chroniques chez Van Gogh et elles ne se font pas spécialement ressentir dans les jours qui précèdent les crises psychomotrices patentes. Après tout un épileptique psychomoteur peut aussi souffrir d'un ulcère gastroduodénal ou d'une gastrite...